Du XIXe siècle jusqu'à nos jours, la photographie n'a jamais cessé d'entretenir une affinité avec la ville. Cette dernière est un sujet classique. Mais ce n'est que récemment, à partir des années 1980, que les ruines ont commencé à retenir l'attention des photographes. Cet intérêt est né et s'est développé en même temps que l'urbex (contraction de l'anglais urban exploration), une tendance consistant à visiter des lieux construits par l'homme, le plus souvent abandonnés et difficiles d'accès. Les photographes ont renoué ainsi - peut-être sans qu'ils le sachent tous - avec la tradition de la peinture classique marquée par le goût des ruines, telle qu'ont pu la pratiquer Giovan- ni Paolo Panini, Marco Ricci, Hubert Robert, tant d'autres encore.
Le travail de Rania Azar Berbery s'inscrit dans cette filiation. Il se concentre en effet sur un bâtiment datant des années 1890 situé à Hazmieh et aujourd'hui à l'abandon. Une douce nostalgie émane de ces images. Elle rappelle l'histoire du Liban, de ces années dorées brutalement interrompues par la guerre de 1975. Mais comme l'indique le titre de sa série, Rania Azar Berbery ne se contente pas d'évoquer en creux un passé qu'il faudrait regretter. Ce qu'elle veut surtout souligner, c'est « la poésie des ruines ». Les hommes, certes, sont absents. On peut simplement imaginer, éparses, des traces de présences, aussi touchantes que dérisoires. Le bâtiment a beau être une œuvre humaine, seuls des fantômes l'arpentent encore. Pourtant, sur la majorité des images, les herbes, les fleurs, les arbres, vivants, fragiles, se dressent là où portes, murs et colonnades ont payé leur tri- but à l'érosion des années. Ils symbolisent une renaissance. Au fil d'une vingtaine d'images à la composition frontale et rigoureuse, Rania Azar Berbery invite bien à méditer sur la fuite du temps, mais il ne s'agit pas d'une méditation triste. Au contraire.
Guillaume de Sardes
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