Comment est né le projet Visit Lebanon ?
Le projet est né d'un constat établit fin 2016, début 2017. Le ministère du Tourisme a pour mission principale la promotion du Liban à l'étranger, sans avoir aucun sinon très peu de moyens pour réaliser sa politique : pas d'effectifs commerciaux, pas de représentation commerciale d'envergure sur les marchés émetteurs, pas de bases de données des opérateurs mondiaux, pas de Branding, et une destination qui souffre d'une image désastreuse au niveau sécuritaire. Par ailleurs, il y avait une absence totale de stratégie de diversification touristique du pays. Tout était focalisé sur le marché arabe. L'interdiction faite aux citoyens des pays du golfe de se rendre au Liban et la fermeture des frontières syriennes aux touristes ont fini par faire rentrer en récession tout un secteur de l'économie libanaise.
Quelle a été votre stratégie ?
Le ministre Avédis Guidanian était en poste de transition, le temps d'organiser les élections. Il lui fallait engager une stratégie de diversification des marchés et se doter des outils de marketing et de commercialisation, en très peu de temps. Il avait contre lui des lois obsolètes, une administration extrêmement lente et contraignante, et le manque de budgets.
Nous avons avancé sur plusieurs fronts. Tout d'abord nous avons créé un bureau de représentation en Europe qui puisse prospecter l'ensemble du Monde tout en concentrant notre énergie sur les pays où nous avions des vols directs. Nous avons couvert l'Europe anglophone, les pays francophones, l'Amérique, l'Afrique du Nord et du Sud, et pays du Golfe ainsi que l'Asie avec les pays émergents tels que l'Inde et la Chine. Nous avons diversifié les segments en incluant toutes les composantes du loisir (culturel, historique, Sea & Sun, nature et aventure, religieux etc.), les composants du MICE (Meetings, Conférences, Congrès et Événements), ainsi que la diaspora qui est en train de se mettre en place. Chaque action s'est accompagnée de différentes actions marketing et communication ainsi que PR. Visit Lebanon a également réalisé un grand programme de FAM trips pour les professionnels et la presse qui a couvert plus de 400 décideurs.
Nous sommes passés de 0 à 10,000 contacts professionnels établis dans les différents pays, permettant ainsi au ministère d'entrer en relation permanente avec l'ensemble des décisionnaires potentiels pour le Liban à travers différentes actions en continu dans le temps. Un travail de fourmi.
En parallèle nous avons programmé une seule plateforme qui englobe plusieurs supports digitaux CRM/CSM/WEB APP interconnectés, ainsi que les supports marketing (vidéos, etc. pour accompagner le travail des équipes). Certaines vidéos que nous avons produites ou contribué à produire ont fait le tour du monde et ont été nominées pour les best video awards dans le domaine du tourisme, tel que Don 't Go To Lebanon (environ 300 000 vus)
Parmi les actions également réalisées, un Forum international du tourisme destiné à la promotion du Liban, Visit Lebanon Forum qui a un succès mondial et qui en est à sa troisième édition. Un véritable exploit puisque plus de 70 contrats ont été signés à travers la dernière édition apportant parfois des certains de milliers de dollars par client pour certains prestataires libanais.
Toute cette dynamique a contribué à ce que le Liban revienne sur la scène touristique internationale et nous a permis de compenser la chute du marché arabe par la hausse du marché européen.
Pourquoi Visit Lebanon est la société qui implémente ce projet plutôt qu'une autre, alors qu'elle n'a été créée qu'en 2017 ?
J'avais une triple expertise financière, marketing et touristique. J'ai constaté, après la crise financière de 2008, la difficulté qu'ont les états et plus spécifiquement les ministères de tourisme, à maintenir ou à ouvrir des représentations touristiques dans les pays cible. Beaucoup de ministères manquaient de savoir-faire et de ressources pour développer les contacts à travers le monde et pour conduire des actions coordonnées tant au niveau digital, qu'au niveau marketing et communication, sans compter l'aspect événementiel. Par ailleurs ils croulaient sous les charges salariales, locatives et administratives qui constituaient par fois le principal des budgets dépensés.
De là est partie, et après une longue expertise dans le tourisme, ma première société qui englobe le concept de salons professionnels, la représentation de destinations sur plusieurs pays et plusieurs segments, l'appui marketing et commercial à certaines destinations, et enfin le développement de logiciels et d'applications relatives au monde du tourisme. Ainsi nous avions développé une expertise unique et incontournable pour accompagner les ministères à réaliser une avancée majeure en un temps record. Nous sommes aujourd'hui présents sur trois continents avec des sociétés indépendantes et des marques propres pour chaque pays.
Une fois n'est pas coutume, la marque Visit Lebanon initialement déposée en Europe, au Liban et ailleurs avant la création de la société, est depuis septembre 2017 a été confiée à l'unique usage et bénéfice du ministère du tourisme libanais.
Qu'est-ce que le Forum Visit Lebanon a apporté ?
C'est la première fois qu'un ministère apporte directement des affaires au secteur privé. Le Forum Visit Lebanon a mis en contact des agences et des tours opérateurs du monde entier avec les principaux acteurs du tourisme au Liban. Nous avons identifié plus de 70 contrats signés lors de la dernière édition et beaucoup d'autres sont en cours de signature. La prochaine édition aura lieu les 30 et 31 mai prochains.
Pourquoi un contrat de gré à gré avec le ministère du tourisme ?
Cette décision n'est pas la nôtre mais celle des ministères. Nous avons demandé à répondre à un appel d'offre. Nous sommes des leaders sur notre marché et connaissons le marché libanais depuis 10 ans (sous différentes sociétés) ce qui a fait de nous des acteurs incontournables.
La décision d'un contrat de gré à gré est celle du ministère et non pas celle d'un acteur privé. A mon avis parmi les facteurs qui ont contribué à cette décision :
1. La nécessité de se préparer pour 2020. Les programmations de fêtes de fin d'année et de la prochaine saison s'effectuent maintenant et il y a urgence de relancer la machine après que toutes les activités se soient arrêtées à cause de décisions bloquées dues à 8 mois d'absence du conseil des ministres et de budgets. C'était un cas d'urgence.
2. Il aurait été très difficile de contracter avec une autre société en cours de route alors que toute l'expertise était avec notre grande équipe qui avait conduit le lancement du projet depuis 2017. Une grande partie des contrats de représentation est signée trois ans pour avoir une consistance dans la stratégie, avec bien entendu une possibilité de rompre le contrat en cas de défaillance du prestataire. C'est pour cette raison que la grande majorité du conseil des ministres et des formations politiques ont voté étendre le projet pour une année suivi d'un appel d'offre.
3. Les particularités de notre métier rendent difficile la rédaction de certains appels d'offres :
Pour exemple, le ministère a besoin de faire venir 500 tours opérateurs à raison de 50 tours opérateurs et agences événementielles en Fam trip par mois, sur dix mois. Or une cotation précise ne peut être effectuée au vu de la fluctuation des billets à moins de charger l'état au grand maximum. Nous avons fait face à ce problème lors de Visit Lebanon 2018 où nous sommes à des hausses significatives pour certains billets. Un billet d'avion qui valait 320 USD est passé à 570 USD sur le GDS (donc prix réels du marché) et ce, à cause de retard dans la livraison de visas ou la confirmation des décideurs.
Avec des conditions telles que le dépôt de garantie de 10%, la différence de taux de change entre la signature et le règlement (qui a atteint en 2018 les 15%), l'avance de trésorerie prohibitive (1 millions de dollars pour les grands contrats) ou encore les délais de règlement important de l'état, rend la tâche difficile au secteur privé. Rares sinon aucune société européenne ne s'aventurera dans un tel risque sur un pays étranger.
Visit Lebanon a accepté ce challenge en prenant de grands risques afin d'être à la hauteur de ce défi commun avec le ministère du Tourisme. La réussite était au rendez-vous alors que d'autres sociétés se sont malheureusement enlisées dans les méandres du système qu'il faut absolument réformer. Il est également très difficile pour le ministère de changer une équipe qui est reconnue de l'ensemble des marchés.
Le conseil des ministres, conscient de ces contraintes, a donné les moyens au ministère du tourisme afin d'atteindre ses objectifs (la promotion de la destination et de ses produits...) d'assurer la continuité et de se préparer d'une manière optimale pour l'horizon 2020.